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 |  Sujet: On peut tout fuir, sauf sa conscience. {Lucy & Maxx.  Dim 15 Mai - 22:28 | |
|   On peut tout fuir, sauf sa conscience.[Stefan Zweig]
Nous étions Mardi. Il était treize heures, l’heure de pointe à la cafétéria. A vrai dire, à cet instant, je n’avais pas conscience de la date, ni du moment où nous étions. Mes pensées, comme mise sous tutelle de mon amour, ne se dirigeaient que vers Ainsley. J’étais sensée manger avec elle, le midi, mais je n’avais pas pu ce jour-là, nous n’avions pas les mêmes horaires. Je ne savais pas où elle était, ni ce qu’elle faisait, et les rires de mes camarades ne me faisaient guère songer à autre chose. Je savais que j’exagérais. Je savais que je m’inquiétais trop. Mais les évènements récents m’empêchaient de faire autrement.
Le week-end précédent, j’étais allée à une soirée. Je n’avais prévenu personne de mon entourage. A vrai dire, ce n’était pas mon genre. Je faisais la fête de temps en temps, oui, je profitais de ma jeunesse, mais je savais en général garder les pieds sur Terre. Sauf que depuis que mon père m’avait virée de chez moi, je dérapais légèrement. Je buvais à la moindre occasion. Je ne disais jamais non. Je me mettais dans des états pathétiques, et tout ça dans le dos de mes amis les plus proches. Ainsley de son côté avait aussi connu une petite période de creux. Elle avait replongé, l’espace d’une soirée, à cause d’une embrouille entre Johann et elle. J’avais été présente pour l’aider, évidemment, et je lui avais promis de la soutenir. Les jours passant, il se trouva que le seul soutien que je lui apportais était de rentrer bourrée de plus en plus régulièrement. Ca ne me ressemblait pas. Tous les matins, je m’en voulais. Je la regardais et je me disais que j’étais conne de faire ça. Je devais être forte pour nous deux. C’était ma seule promesse. Être forte pour nous deux. Mais c’était beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Et c’est dans la seule intention de me bourrer la gueule que j’avais fini en soirée le samedi. Oubliant ma copine qui m’attendait chez moi. Faisant tout pour effacer de mon esprit chaque insulte que mon père avait pu me balancer. Je disais m’en foutre, je disais que s’il n’était pas content pour moi, c’est qu’il ne méritait pas mon attention. Mais je l’aimais, comme chaque fille aime son père. Et tant pis s’il avait toujours été absent. Il était mon dernier parent, et il me reniait. J’étais brisée. Je souffrais de savoir que mon amour était indésirable pour ma seule famille. Et dehors, des choses pires arrivaient, alors je me taisais et gardais le sourire. Je savais le faire. Je l’avais toujours fait. Me taire, et faire semblant d’aller bien. Peut-être que cette fois, la pression avait été trop forte. Alors j’étais allée, ce samedi, boire pour boire.
Tout au long de la soirée, une fille m’avait draguée. Elle était mignonne et avait l‘air totalement ivre. Elle s’appelait Lucy, je ne la connaissais pas. Elle se faisait insistante, voulant à tout prix me mettre dans son lit. Je n’avais pas l’habitude d’être draguée par des filles. A vrai dire, ça n’arrivait que depuis que je sortais avec Sly. Peut-être qu’une lumière s’était affichée sur mon front, faisant défiler « fausse hétéro ». De toutes les façons, il n’y avait qu’une fille que j’aimais. Les autres ne m’intéressaient pas. Alors j’avais gentiment décliné toutes les avances de Lucy, même si à la fin de la soirée, mon esprit plus très clair ne répondait pas aussi bien à mes attentes. Je fermais les yeux, pensais à ma copine, Lucy débarquait, j’ouvrais les yeux, elle me draguait, et je ne savais plus quoi faire. Alors je me concentrais un peu et me rendais compte que ce n‘était pas elle que je voulais, puis je partais. Elle m’avait couru après une bonne partie de la soirée, si bien qu’en rentrant chez moi, mes envies avaient été comme décuplées. Je n’avais pas compris pourquoi Ainsley ne voulait pas que je l’embrasse. Je ne comprenais pas pourquoi elle ne voulait pas de moi. J’étais bourrée. Je devais puer l’alcool. Je ne me rendais compte de rien. Elle refusait, j’insistais. Je ne voulais pas la heurter mais je ne m’obéissais plus. Mon envie d’elle, mon état d’ébriété, tout se mélangeait et me poussait à avoir des gestes déplacés. Elle m’avait baffée, pour me remettre les idées en place. Cela avait marché. Mes yeux s’étaient posés sur elle, repassant tout ce que je venais de faire, et des larmes les avaient noyés. J’avais pleuré, sans m‘arrêter, toute la nuit. Je m’excusais. Je m’excusais de ne pas avoir su être forte pour nous, je m’excusais d’avoir été horrible avec elle, je m’excusais de l’avoir blessée, parce que je savais que je l’avais blessée. Elle faisait comme si tout allait bien. Je sentais ses mensonges. Le lendemain matin, je lui avais promis que ça n’arriverait plus, plus jamais. Je lui avais promis que je l’aimais, et que je ne la lâcherai plus. Et c’est ce que j’avais fait. J’évitais chaque miroir, me dégoûtant moi-même, et passais tout le temps possible avec elle. Je m’excusais sans cesse, cherchant dans ses yeux la vérité. Est-ce qu’elle était encore blessée ? Est-ce qu’elle était dégoûtée de moi comme je l’étais ? Est-ce qu’elle allait mal ? Est-ce qu’elle m’en voulait ? J’avais peur qu’elle m’abandonne. Je savais qu’après ça, je le méritais. Mais je n’aurais pas su vivre sans elle, et je craignais qu’elle ne dérape sans moi en train de la surveiller. Alors je lui rappelais que je l’aimais, à chaque seconde. Je lui tenais la main, la prenais dans mes bras, l’embrassais. Le Dimanche s’était déroulé comme ça, ainsi que tous nos moments libres. Jude avait apparemment accouché, tout le monde était allé à Londres la voir, et moi je n’y prêtais pas attention. Le Mardi midi s’était approché de cette façon, n’ayant dans mon esprit que celle qui occupait mon cœur, oubliant tout le reste.
Je mangeai distraitement, et assez peu. Je n’avais pas faim, je ne voulais pas spécialement nourrir ce corps qui ne méritait rien. Mes yeux rivés sur mon téléphone, j’envoyai un message à Ainsley, lui disant que je l’aimais. J’avais conscience que je devais être lourde mais je tenais à ce qu’elle sente ma présence. Qu’elle sache qu’elle n’était pas seule. Je savais qu’elle allait mal, et j’étais prête à me sacrifier entièrement pour arranger ça. Je savais que c’était possible.
Mon regard se porta sur une silhouette qui parcourait la cafétéria. Celle-ci me rappelait étrangement quelque chose. Je restai à la regarder quelques secondes avant de reconnaître Lucy, la fille de la fête. Je rougis immédiatement et cherchai des yeux une place où aller avant qu’elle ne me voit. Je ne voulais pas lui parler. Je ne voulais pas me rappeler cette affreuse soirée. Je me calai face à une amie, mon sac posé sur la table en guise de barrage, et fixai distraitement un point opposé à l’autre fille, priant pour qu‘elle ne me reconnaisse pas.
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