Fuck off ! I don't need you...
okay, please, stay, I need your help

Voiture, voiture, les routes d'Australie défilant devant mes yeux, voiture, voiture. Nous étions mercredi, j'avais oublié une partie de mes papiers chez mon père, dont mon permis de conduire, le week-end précédent. Perth-Sydney étant un trajet particulièrement long, je m'étais arrangée avec mon frère pour faire moitié-moitié, afin de récupérer mes affaires. L'aller se déroulant dans l'illégalité, j'avais préféré laissé Ivy à Johann, le temps de quelques heures. La petite appréciait particulièrement mon nouveau copain, ce qui me faisait particulièrement plaisir. Nous n'étions pas ensemble depuis un temps énorme, et elle s'était déjà beaucoup attachée à lui, se mettant même à l'appeler papa Jojo. Entre lui et moi, tout se passait plutôt bien. Je l'aimais, il m'aimait, tout du moins je l'espérais. J'avais retrouvé mon meilleur ami de toujours, et j'avais trouvé l'amour. Mes craintes du début, à savoir qu'il ne veule pas se caser, s'étaient doucement effacée quand je m'étais rendue compte que nous commencions à former une petite famille. Cela en devenait presque effrayant. Et s'il partait, comment Ivy allait-elle le prendre ? Est-ce que je devrais lui expliquer que non, ce n'était pas son papa ? Ou la laisser croire qu'elle avait perdu son père ?
La chaleur que je ne supportais pas m'avait mise de mauvaise humeur. Mon frère avait réussi à me changer les idées, mais j'avais vite du repartir, pensant à Jo' qui avait accepté de garder Ivy, ne voulant pas non plus l'embêter trop longtemps, et mon horrible humeur m'avait regagnée. Le trajet du retour m'avait paru particulièrement plus long, plus insupportable. Les routes étaient presque vides, mais le soleil tapait comme jamais. Le climat de l'Australie n'était pas mon préféré. Chantonnant à tue-tête sur la radio pour faire passer le temps, un flot incontrôlable d'insultes s'était déversé de ma bouche lorsque le moteur avait lâché. Je n'avais vraiment pas de chance. J'arrêtai le véhicule sur le côté, en sortis et ouvrai le capot, ayant conscience que personne ou presque ne passerait par ici avant un petit bout de temps. J'observai les diverses connexions, sceptique. Je n'y connaissais rien en mécanique. J'avais grandi entourée d'hommes, il y avait toujours eu quelqu'un pour me dépanner. Les yeux rivés sur le moteur et tout ce qui s'en suivait, j'attrapai mon téléphone et composai rapidement le téléphone de Johann, priant pour qu'il réponde avant que la batterie ne me lâche. Comme si la situation ajoutée à la batterie presque vide de l'appareil ne suffisaient pas, le garçon ne prit évidemment pas la peine de décrocher. Impulsive, je lui laissai un message plein de diverses insultes, le terminai par un Je t'aime et vis mon portable s'éteindre de lui même. Désespérée, je replongeai mon regard sous le capot et y fourrai mes mains, essayant de me rappeler ce que j'avais pu voir de mes frères dans mon enfance.
Évidemment, rien n'avançait quand je vis une voiture s'approcher, j'y lançai un regard rapide, sans oser espérer de l'aide. Vu la chance que j'avais, si je demandais quelque chose, j'étais persuadée de ne pas l'avoir. De façon étonnante, le véhicule s'arrêta, et je pu observer une silhouette masculine en sortir. Mon humeur massacrante me poussa à imaginer des scénarios impossibles, tirant vers le thriller, Jack l’Éventreur ou autre délires criminels dans le genre. Seulement, le garçon que je vis s'approcher était bien pire que n'importe quel violeur ou serial killer. C'était Steven. L'autre meilleur ami de Johann. Le mec que je ne pouvais pas supporter par excellence. Celui dont chaque geste me donnait des envies de meurtre. Nous avions l'habitude de cacher cette animosité devant mon petit-copain, ne voulant pas qu'il ait à subir notre "guerre". Sa première phrases confirma la haine que je pouvais lui apporter. Les mains noires de cambouis je ne répondis pas à sa première attaque, pensant qu'il allait faire demi-tour en voyant que la jeune fille à sauver n'était autre que moi. Bizarrement, il continua à avancer vers ma voiture, me disant de me pousser pour qu'il puisse m'offrir son aide. Je levai les yeux vers lui, pratiquement prête à lui sauter au cou. « C'est bon, casse-toi ! Je me débrouille ! » . J'essuyais mon visage du dos de la main. La chaleur était insoutenable et je n'avais vraiment aucune idée de ce qu'il fallait faire dans ce bourbier. Trop fière pour m'avouer vaincue devant un ennemi, je plongeai à nouveau la tête sous le capot, l'air décidée. Lui dire que je n'y connaissais rien, pire, que j'avais besoin de lui ? Hors de question !
Il me fallut quelques secondes pour changer d'avis. Je soupirai et, sans quitter les entrailles de mon véhicule du regard, je lâchai un petit « Ok. Je gère pas. » . Un autre soupir exaspéré s'échappa de ma bouche, je me relevai et m'appuyai sur la voiture, essuyant mon front une nouvelle fois. J'avais tous les avant-bras noirs, et Steven était ma dernière solution, aussi horrible cela soit-il de l'admettre. « Je sais pas ce qu'elle a. Le moteur m'a lâchée, d'un coup. Et... tss. Putain. » . Je levai les yeux aux ciel. La situation était horrible, et, à choisir, j'aurais sûrement préféré me jeter sous un pont que de continuer de vivre ça.

Sur une route paumée, dans un coin paumé, d'une ville paumée, d'un pays paumé, sur une île paumée, dans un continent que personne ne connaissait, sur une pauvre planète paumée. Voilà où j'étais, coincée avec la seule personne que je ne pouvais pas supporter. Regardant Steven plonger la tête la première sous le capot, je m'allumai une clope. J'avais repris une consommation régulière depuis mon arrivée à Perth. L'annonce à Eli de sa paternité, son refus de prendre des nouvelles de l'enfant, puis son changement d'avis que je m'étais retrouvée obligée de refuser, tout ça me mettait particulièrement sur les nerfs, et reprendre la cigarette avait été une solution facile pour me calmer un minimum. A vrai dire, j'avais même recommencé à fumer autre chose que des clopes, et ce pas qu'en présence de Johann comme il me l'avait demandé. Perth était mauvais pour ma santé.
Je portai le regard vers le garçon à côté de moi, me disant que c'était sûrement le fait qu'il soit là qui rendait cet endroit négatif. Crachant la fumée blanche, je manquai de m'étouffer quand ce dernier m'avoua qu'il n'y connaissait pas grand chose, et qu'il ne pouvait rien pour moi. Je le toisai, accablée par cette stupidité. « Ok, donc tu sers vraiment à rien, c'est ça ? » . Le voyant abandonner si vite, je m'insurgeai « Attends, tu fais plus rien là ? Tu me demandes pas une clé jesaispasquoi, si j'ai changé untrucbidule récemment ou quelque chose dans le genre ? Tu me fais pas le regard du macho blasé à la vouslesfemmesn'yconnaissezrien avant de tout réparer d'un coup ? T'es genre sérieux, Stevens, t'es genre vraiment là.. pour rien ? » .J'insistai sur la dernière lettre de son prénom, lettre qui n'existait pas, sachant que ça avait le donc de l'énerver. Il n'y avait rien de mature dans mon comportement, je le savais et n'y prêtais aucune importance. Quand je n'aimais pas quelqu'un, je le lui faisais comprendre. « Et on va rester tous les deux jusqu'à ce que quelqu'un vienne, c'est ça ? Tu peux crever ! Je resterai pas avec toi ! » .
L'enfer sur terre prenait tout son sens. J'avais du cambouis jusqu'aux épaules, je transpirais comme un ours polaire oublié au Sahara, j'étais garée en plein soleil, ma voiture était en panne et j'étais accompagnée d'un débile empoté qui ne servait à rien. Je soupirai, puis, réagissant à son idée d'appeler Johann, je fouillai mon sac pour en ressortir mon téléphone, avant de me rendre compte qu'il était vide. Mon regard se porta rapidement sur le jeune homme. Si je le lui disais, j'aurais le droit aux rabaissements conséquents, et si je ne le lui disais pas, je n'avais aucune chance de me sortir d'ici. Après m'être abaissée pour lui demander de l'aide pour la voiture, voilà que je devais lui demander autre chose. Je réfléchis un instant, râlai, tirai sur ma cigarette avant de l'écraser et regarda vers l'horizon, loin du brun, grimaçant légèrement pour trouver mes mots. « J'ai... Mon... J'ai plus de batterie sur mon téléphone. Il me faut le tien. » . Je baissai la tête. Un s'il te plaît m'aurait arraché la tête, oui, déjà que je venais de lui avouer que j'avais besoin de lui, et que je me retrouvais obligée de rester avec lui. La liste des punitions s'agrandissaient sans cesse, et je ne savais même pas ce que j'avais fait pour les mériter.