Look at this photograph, everytime I do it makes me laugh...

Mon avenir se dessinait petit à petit devant moi et je sentais que j'allais au bon endroit. J'avais passé le début de semaine avec mon père et mes frères. Le plus grand avait accepté de me prêter son appartement sur Perth, apprenant que j'avais parlé au père de ma fille et qu'il n'avait pas trop mal réagi. Mes trois frères n'avaient pas voulu que j'aille à la rencontre de ce dernier, ils ne comprenaient pas pourquoi je le cherchais alors que j'étais heureuse sans lui. Ils avaient peur qu'il prenne mal l'annonce de cette paternité, que je sois blessée. A vrai dire, je le faisais seulement pour Ivy. J'avais peur qu'elle manque d'un père. J'avais peur qu'elle m'en veuille de ne pas lui avoir dit qu'elle était là grâce à lui. Il ne représentait rien pour moi. Je ne l'avais vu qu'une fois, à cette soirée. Il était le géniteur de mon enfant. Un peu comme un donneur anonyme. Et voilà que j'étais venue briser cet anonymat.
L'appartement serait libre deux semaines plus tard, je devais rester à l'hôtel en attendant. Ivy et moi étions de bonne humeur, voir notre famille nous ayant fait du bien. Nous marchions tranquillement dans la rue, alors que le soleil illuminait le bitume autant que nos esprits, lorsque nous décidâmes d'aller au parc. La petite riait, nous chantonnions.
Promenons nous dans les bois pendant que le loup n'y est pas, son rire enchantait les passants, si le loup y était il nous mangerait, son visage prit un air affolé à ces quelques mots avant que son sourire ne revienne sauver son joli visage mais comme il n'y est pas il n'nous mangera pas... l'herbe glissa sous nos pieds, nous étions rentrées dans le parc. Loup y es-tu ? Entends-tu ? Que... sa voix fluette se coupa, sa main glissa de la mienne et avant même que je ne puisse réagir, elle était étalée par terre. Des pleurs vinrent prendre la place de la chansonnette, ternissant presque les rayons du soleil. Je me précipitai vers elle, la fis se relever et examina ses mains et ses genoux. Sa peau douce, un peu rougie, était nullement coupée. Mes bras passèrent autour de son tout petit corps et je la soulevai, lui faisant des bisous et lui répétant que c'était rien. Son visage semblait triste, elle mit plusieurs minutes avant d'arrêter de sangloter. Je lui glissai que les pirates n'avaient jamais mal, elle sourit timidement, me laissant l'occasion de respirer à nouveau. Je savais les mots pour la faire rire. Je ne connaissais rien de pire que la vision de ma fille en train de pleurer, ses yeux brillants, pleins de larmes, me fixant. Mon coeur se serrait à chaque fois, brouillant ma vision de tout le reste du monde. Je ne voyais plus qu'elle. Même si je savais que c'était du cinéma. Même si je savais que ce n'était rien.
J'essuyai du revers de ma manche ses joues mouillées et la reposai à terre. Ses petites jambes recommencèrent à s'agiter et elle alla jouer avec d'autres enfants. Elle n'était pas timide et avait déjà oublié sa douleur précédente.
Mes yeux se relevèrent et je regardai autour de moi. Il y avait une bonne dizaine d'enfants, les parents restant sur le coté, les scrutant attentivement. Les parents regardaient toujours leur descendance avec cet air épanoui mais inquiet. Ils s'amusaient de leur bonheur mais arboraient la part d'inquiétude que les gamins n'avaient pas. Ils riaient de leurs gestes brusques, s'imaginant secrètement les pires scénarios.
Une femme brune retint mon attention. Nos regards se croisèrent, elle me fixait. Je la dévisageai rapidement, et une vague de souvenirs me stoppa. Ces traits fins, ces yeux si foncés. C'était Sixtine. Celle de Sydney. Celle avait qui j'avais passé tant de temps. Celle qui m'avait prise tant de fois en photo. Celle qui dérivait, tombant dans la drogue. Celle que j'avais du laisser en tombant enceinte. Après Johann, Nate, et le père de ma fille, voilà que je tombai à nouveau sur quelqu'un de Sydney. Me suivaient-ils ? Un sourire se dessina sur mon visage, et j'observai rapidement la gamine qu'elle semblait surveiller. Elle semblait être un peu plus vieille que la mienne. Sixtine ne pouvait donc pas en être la mère. Faisait-elle du baby-stting ? Si oui, elle devait être rentrée dans le droit chemin. Aucun parent ne confierait son enfant à une junkie.
Je secouai légèrement la tête et mes pas se dirigèrent vers elle. Je ne lui en avais jamais voulu. Elle avait décidé de vivre à fond, où était le problème ? Qui sait où je serais aujourd'hui si je n'avais pas vu Ivy ? Si son arrivée m'avait forcée à rester sage, il n'y avait que moi que cela concernait. Je ne pouvais pas demander à tout mon entourage de changer pour cela.
Arrivant à son niveau, je lui adressai un léger sourire. Je n'avais rien de spécial à lui dire. Je ne savais pas si je devais m'excuser de l'avoir laissée. Je ne savais pas si elle se souvenait vraiment de moi. Mes lèvres laissèrent quelques mots s'échapper. « J'ai un peu grossi depuis la naissance de ma fille, j'espère que ça le fera quand même pour les photos. » Mes paroles me surprirent moi-même. Je n'avais pas réfléchi. Je ne savais pas si je voulais encore être son modèle, je ne savais pas si je voulais lui parler. J'avais même conscience que cette façon de l'aborder était maladroite, mais les discours et tout ça, ce n'était pas mon fort. Ma bouche n'obéissait plus qu'à elle même. « Je suis toujours la même pirate, sinon. » Je secouai la tête et mes yeux vinrent se coller aux siens, riant doucement. Mes jambes se plièrent et je m'assis en tailleur dans l'herbe.