Qu'est ce que je devais faire, maintenant? Je n'entendais que le bruit de mes talons hauts claquer sur le béton détrempé, et au loin les rouleaux des vagues amoindris par les pluies. La nuit était noire, et les lampadaires des petites rues étaient éteins depuis longtemps. Seul ceux des avenues continuaient à émettre des taches de lumière éparses, qui ne parvenaient pas à dissoudre l’aveuglement causé par la tourmente. Où devais-je aller? Je grelottais. Mes cheveux collaient sur mon visage trempé. Je me suis tordu une fois de plus la cheville dans une ornière, trébuchant et me retrouvant la face contre terre. L'eau ruisselait entre mes mains meurtries et je voyais les gouttes tomber en cascade de mon visage, venant se mêler à la pluie qui s’écrasait sur le pavage pourpre. J'ai frappé du poing au sol. J'ai poussé sur mes bras faibles, pour me relever. Mes genoux nus ont râpé sur les pavés, mais la douleur n'était rien. J'ai titubé sur quelques mètres, puis je me suis immobilisée. On entendait de plus en plus la mer qui grondait. Alors j'ai courue, instable sur mes talons. Le port. Les coques des bateaux s'entrechoquaient contre le quai. Les vagues le submergeaient.
Je ne serais dire depuis combien de temps j'errais dans les rues de Perth, mais j'avais l'impression que c'était infiniment perpétuel. J'avais goûté au bien-être béat, puisqu'aujourd'hui, j'avais fais ce que je n'avais jamais fait au par avant. J'avais goûté aux petits bonbons roses, je pouvais même me souvenir des lapins dessus. J'avais goûté au bonheur, et maintenant, l'amertume de la descente emplissait mon corps tout entier de douleur.
Une déferlante a atteint mes pieds, pénétrant à l'intérieur de mes chaussures, puis la vague est repartie. Les mains tremblantes, j'ai tirais une clope de mon paquet, ainsi que mon briquet en argent, offert par mon père. Il ne s'allumait pas. Je ne voyais pas distinctement mes gestes. J'ai laissé la cigarette glisser de mes doigts, tomber dans les remous, puis le briquet, s'enfonçant sans fin dans l'écume noire. Je voyais encore l'éclat métallique, se dissiper peu à peu dans le néant. J'ai tendu ma main, attirée par cette dernière onde de lumière parmi les ténèbres. Je sentais l'eau glacé au bout de mes doigts, la vague se soulevait, l'océan prêt à me happer toute entière.
On m'a tiré en arrière. On m'a éloigné du bord, traîné jusqu'à un abri devant une boutique de souvenir miteuse. Je ne comprenais pas. On m'a assise sur le rebord de pierre, adossée à la vitrine. J'ai regardé mes mains tremblantes. Elles avaient viré à un blancheur cadavérique. Pourquoi est-ce que j'avais si peur?
- Mais ça va pas? Qu'est-ce qui t'as prit? Un peu plus tu manquais de tomber dans l'eau!
C'était la voix d'une fille. Comme je ne réagissais pas, elle m'a pris par les épaules et elle m'a secoué doucement.
- Hé! Regarde moi, disait-elle.
J'ai relevé mon visage vers elle et j'ai posé mes yeux qui n'étaient plus que deux grands disques noirs dans les siens. C'est cheveux blonds dégoulinaient, et elle portait sur moi un regard perplexe. Je ne le supportais pas. J'ai enfoui mon visage entre mes mains, et j'ai laissé les sanglots ébranler tout mon corps.